Trump lance son offensive contre le Mexique et les sans-papiers

Les mesures avaient constitué le détonateur de sa candidature, le 16  juin 2015. Donald Trump les a  mises sur les rails, mercredi 25  janvier, à l’occasion d’une visite au département fédéral de la sécurité intérieure. La frénésie de décisions présidentielles qui marque ses premiers jours à  la Maison Blanche s’est étendue à la lutte contre une immigration clandestine échappant, selon M. Trump, à tout contrôle.

 » Une nation sans frontières n’est pas une nation « , a-t-il assuré, mercredi, avant d’affirmer qu’ » à partir d’aujourd’hui, les Etats-Unis reprennent le contrôle de leurs frontières « . Le général John Kelly, nommé à la tête de ce département, aura cette responsabilité.

Comme certaines décisions précédentes, les décrets signés mercredi conservent leur part d’imprécisions. A commencer par celle qu’a constitué la promesse du candidat républicain pendant la campagne, à savoir  » la construction d’un mur physique à la frontière sud  » avec le Mexique pour éviter  » l’immigration illégale, les trafics de drogues et d’êtres humains, et des actes terroristes « . La construction de cet obstacle, qui sera, selon une note, soit  » un mur continu et matériel «  soit  » toute autre barrière similairement continue, infranchissable et matérielle « , est  » immédiate « .

Aucune étude préalable n’a pourtant été effectuée. Le décret ne présente pas de calendrier défini, et surtout, le projet n’a pas été pour l’instant budgété. M.  Trump, comme il l’a répété dans un entretien à la chaîne ABC diffusé mercredi soir, a réaffirmé que cette  » barrière «  sera payée par le Mexique. Le président mexicain, Enrique Peña Nieto, qui doit se rendre à Washington le 31  janvier, assure le contraire, mettant en avant le caractère unilatéral de cette décision.  » Moi, je vous le dis, il y aura un paiement, même si le montage est peut-être compliqué « , a rétorqué le président américain, qui a déjà évoqué une  » avance «  du Congrès.

Le texte mentionne aussi une augmentation significative (5 000 policiers) du nombre d’agents affectés à la protection des frontières, ainsi que la création, le long de cette ligne de démarcation, de centres de rétention pour accélérer les reconduites de clandestins. Pourtant, M.  Trump a décrété depuis sa prise de fonctions un gel du nombre de fonctionnaires fédéraux, dont ne sont exclus pour l’instant que les militaires.

Ces dispositions ont été complétées par un autre décret visant le sort des sans-papiers déjà présents aux Etats-Unis. A l’inverse du dernier grand projet de réforme de l’immigration bloqué au Congrès par le Parti républicain en  2014, ce décret exclut toute forme de régularisation. Il se concentre au contraire sur une politique d’expulsion massive qui va nécessiter la création de 10 000 postes supplémentaires d’officiers chargés de l’immigration.

Restrictions significatives

Elle vise tous les sans-papiers qui ont un casier judiciaire. Elle est en revanche muette à  propos du sort des personnes arrivées illégalement aux Etats-Unis et qui n’ont commis ni crime ni délit, soit la majorité des 11  millions de sans-papiers considérés comme vivant aux Etats-Unis. Pendant la campagne, M.  Trump a beaucoup fluctué sur le sujet, évoquant à  l’occasion des expulsions massives jugées difficilement réalisables.

La nouvelle administration reste également silencieuse pour l’instant à propos des personnes arrivées illégalement aux Etats-Unis alors qu’elles étaient mineures. Estimées à  plus de 750 000, elles sont protégées pour l’instant par un dispositif temporaire, le Deferred Action for Childhood Arrivals.

Pendant la campagne, M.  Trump a régulièrement insisté sur le laxisme supposé de l’administration Obama alors que le démocrate a expulsé plus de sans-papiers qu’aucun autre président avant lui (près de 2,5  millions).

Le décret présidentiel incite également les autorités à permettre aux polices locales qui en théorie n’en sont pas chargées, de s’occuper de l’immigration illégale. Des municipalités qualifiées de  » villes sanctuaires  » refusent en effet de vérifier le statut migratoire des personnes qu’elles contrôlent, notamment pour leur permettre de s’adresser aux autorités lorsqu’elles sont en difficulté.

M.  Trump menace de couper les fonds fédéraux reçus par ces collectivités en cas de refus de collaborer. Les villes de Los Angeles, San Francisco, Seattle, Santa Fe, Denver, Washington, Boston et New York ont d’ores et déjà assuré qu’elles n’entendaient pas se plier à ces injonctions, quel qu’en soit le coût financier. La lutte contre les sans-papiers devait rapidement être accompagnée, peut-être dès jeudi, par des restrictions significatives visant les réfugiés. Mettant en doute le sérieux des contrôles effectués auprès des candidats à ce statut venant de pays touchés par le terrorisme, M.  Trump avait initialement voulu interdire provisoirement l’accès aux Etats-Unis d’immigrés de confession musulmane.

Selon le New York Times, qui a pu consulter un projet de décret, les candidats à l’immigration en provenance d’Irak, d’Iran, de Libye, de Somalie, du Soudan, de Syrie et du Yémen pourraient se heurter à une interdiction d’entrée temporaire, qui pourrait devenir définitive pour les Syriens.

Alors qu’un total de 110 000 réfugiés a été admis au cours de l’année fiscale précédente, principalement venant de la République démocratique du Congo, de Syrie et de Birmanie, ce nombre pourrait être divisé par deux. Les Etats-Unis ont pourtant connu par le passé des vagues bien plus massives de réfugiés.